[FR] « On ne voyage pas pour se garnir d’exotisme et d’anecdotes comme un sapin de Noël, mais pour que la route vous plume, vous rince, vous essore » écrivait Nicolas Bouvier.
Nous pétons les plombs. Nous partons en voyage et le sud de la Belgique nous semble déjà bien assez exotique. Nous partons nous faire rincer sur un petit bateau, au gré des méandres des canaux et des rivières afin de laisser les anecdotes, les rencontres et les grandes respirations venir à nous. Nous partons rencontrer un arbre.
L’épicéa, conifère à feuilles persistantes est l’arbre du renouveau qu’on célèbre au solstice d’hiver mais sa monoculture attriste parfois les milieux dans lesquels elle se développe. La crise du scolyte arrive dans ce contexte comme le signe d’un bad-trip général qui remet en question la place de ces arbres dans certaines forêts. L’épicéa que nous allons rencontrer n’a justement plus sa place là où il se trouve. Nous entendons qu’il doit partir alors nous décidons de venir le chercher en bateau afin de le ramener à Bruxelles pour lui faire sa fête.
En suivant les voies d’eau wallonnes, nous convoyons ce petit sapin sur cette embarcation de 5m de long fonctionnant à l’énergie solaire et nous nous faisons doubler par de grandes péniches industrielles chargées d’immenses tas de matières premières. À coté nous voguons petit et lent. C’est l’occasion d’envisager un rapport à l’espace et au temps à l’échelle de nos corps. Au fil de ce voyage, nous voulons nous laisser mater par le paysage qui défile, dormir les yeux ouverts, accepter la pluie comme une caresse, rentrer en dialogue avec d’autres vivants et écouter le bruit des feuilles d’automne. Alors nous y allons. Nous laissons ce qui arrive construire cette histoire qui se concluera au début de l’hiver lors d’une fête de solstice autour de cet épicéa.
__
[EN] « You don’t travel in order to decorate yourself with exotic anecdotes like a Christmas tree, but so that the journey will pluck you, will rinse you, will squeeze you dry » wrote Nicolas Bouvier.
We go crazy. We leave on a trip and the south of Belgium already seems quite exotic to us. We leave to be rinsed on a small boat, following the meanders of the canals and the rivers to let the anecdotes, the encounters and the deep breaths come to us. We leave to meet a tree.
The spruce, evergreen conifer is the tree of renewal celebrated at the winter solstice, but its monoculture sometimes saddens the environments in which it grows. The bark beetle crisis arrives in this context as the sign of a general bad trip that questions the place of these trees in certain forests. The spruce that we are about to meet no longer has its place where it is. We hear that it has to leave so we decide to come and get it by boat in order to bring it back to Brussels to organize a celebration in its honor.
Following the waterways of Wallonia, we transport this little tree on this 5m long boat running on solar energy and we are overtaken by large industrial barges loaded with huge piles of raw materials. Next to them, we sail small and slow. It is an opportunity to consider a relationship to space and time on the scale of our bodies. During this journey, we want to let the landscape watching us, to sleep with our eyes open, to accept the rain as a caress, to enter in dialogue with other living beings and to listen to the sound of the autumn leaves. So we go. We let what happens build this story that will conclude at the beginning of winter during a solstice party around this spruce tree.